Art, Culture, ETRE BIEN, TOUS HORIZONS
Le 01 octobre 2025
Rencontre avec Aurélia Blanchard, multiple championne de france, ancienne capitaine de l’Equipe de France et enseignante à Kendo Le Puy.
Mon lien avec le Japon est très ancien et profondément ancré. Depuis l’enfance, je suis fascinée par sa culture, qu’il s’agisse des arts, de l’histoire, de la philosophie ou encore de la langue. J’ai d’ailleurs commencé à apprendre le japonais dès l’âge de dix ans.
À dix-huit ans, j’ai eu la chance de voyager seule pour la première fois au Japon, afin de découvrir le nord du pays. Cette expérience a été marquante, une véritable immersion dans la culture locale. Depuis, j’ai eu l’opportunité d’y retourner à plusieurs reprises, aussi bien pour mes études, pour le kendo que pour y travailler.
Je pratique le kendo, un art martial japonais, depuis plus de trente ans. J’ai commencé à l’âge de douze ans, en suivant les pas de mon père qui le pratiquait déjà. Très vite, je me suis passionnée non seulement pour la pratique sportive. Mais aussi pour la philosophie et les valeurs qu’incarne le kendo. Même si je dois reconnaître que cette discipline exige beaucoup de rigueur et d’assiduité.
Au départ, c’est surtout l’aspect compétitif qui m’a attirée. Puis, au fil du temps et grâce aux compétitions, ma pratique est devenue indispensable. Je n’ai jamais décroché, et je continue encore aujourd’hui.
Le kendo s’inscrit dans la tradition des samouraïs. Il oppose deux adversaires armés d’un sabre en bambou composé de quatre lattes reliées par des lanières de cuir. C’est à la fois souple et résistant. Les combattants portent également une armure pour se protéger.
Au Japon, le kendo est le troisième sport le plus pratiqué. Il existe donc un grand nombre de pratiquants de très haut niveau, hommes comme femmes.
La place des femmes dans le Kendo ?
Traditionnellement, le kendo attirait surtout des hommes, mais la pratique féminine s’est beaucoup développée au fil des années. Aujourd’hui, de plus en plus de femmes se distinguent par leurs qualités techniques. Elles accèdent à de hauts grades et occupent des postes de responsabilité au sein des fédérations. Depuis peu, certaines arbitres féminines officient même lors de compétitions internationales, ce qui marque une évolution importante.
Avec mon mari, nous enseignons ensemble dans notre club de kendo. Nous travaillons indifféremment avec des élèves hommes ou femmes, même si, dans la plupart des dojos, les hauts gradés et enseignants restent majoritairement des hommes.
Le kendo est une discipline qui peut se pratiquer tout au long de la vie. Mon père, par exemple, continue à en faire à l’âge de 75 ans. L’enseignement s’adapte à chacun : selon la morphologie et les capacités des élèves, nous privilégions certaines techniques ou certains déplacements, afin de permettre à tous de progresser.
J’ai fondé le Women Aki Taikai, un événement annuel organisé chaque automne à Paris. Il s’agit d’un stage et d’une compétition exclusivement dédiés aux femmes kendokas venues du monde entier. La troisième édition se tiendra en octobre 2025.
À travers cette initiative, je souhaitais offrir aux femmes françaises un mode d’enseignement et de pratique pensé pour elles. Mais également démontrer que les femmes peuvent elles aussi atteindre un haut niveau et gravir les plus hauts grades. L’idée était de leur donner des modèles féminins inspirants, afin qu’elles puissent se projeter et voir concrètement que cette réussite est possible.
La philosophie du Kendo
L’importance de l’énergie
Pour son mémoire de kyoshi, qui illustre la dimension philosophique de la pratique. Aurélia a choisi de travailler sur le thème de l’énergie vitale. Cette énergie circule dans le corps, se manifeste dans l’environnement et dans les interactions avec son partenaire. Dans les arts martiaux, l’objectif est de l’accueillir, de la canaliser et de la maîtriser. Selon les disciplines, elle est connue sous différents noms : khi (khi dao), chi (tai chi chuan) ou ki (qi gong).
Ce sujet a pris une résonance particulière dans le parcours d’Aurélia, qui a souffert d’un Covid long invalidant durant trois années. Elle, qui avait l’habitude de vivre à cent à l’heure, s’est retrouvée brutalement alitée, puis confrontée à de nombreux symptômes douloureux pendant des mois. Elle a dû réapprendre à écouter son corps, à reconnaître ses signaux pour ajuster ses efforts : savoir si elle se trouvait dans un jour où elle pouvait gravir un escalier, marcher cinq pas… ou tenir deux heures.
Le kendo est profondément imprégné de culture japonaise, et porte en lui des influences du shintoïsme, du bouddhisme et du zen. On y cultive des valeurs essentielles telles que la droiture, la courtoisie, la sincérité, la patience, la persévérance et la combativité.
La philosophie du kendo varie cependant selon les pratiquants. Par exemple, la notion de respect ne se vit pas de la même manière partout : au Japon, on témoigne un respect particulier aux hommes plus âgés, alors qu’Aurélia considère avec la même estime les anciens comme les jeunes combattants.
Elle préfère d’ailleurs parler de partenaire plutôt que d’adversaire, un terme qu’elle réserve uniquement à la compétition. Dans sa vision, on ne se bat pas contre quelqu’un, mais avec quelqu’un, car la progression ne peut se faire seul.
Comme elle le dit : « J’ai besoin des autres pour pratiquer, et besoin qu’ils progressent pour que je progresse moi-même. »
Ainsi, pour Aurélia, le kendo est bien plus qu’un art martial : c’est une voie de dépassement de soi, mais aussi un espace de partage et d’entraide.
Envie de prolonger l’expérience ? Le podcast Kikucast propose une série d’épisodes passionnants autour de l’exposition JAPON au Musée Crozatier, dont plusieurs avec Aurélia Blanchard !
Intéressé·e par le kendo ou prêt·e à enfiler l’armure ? Toutes les infos sont sur le site du club : lepuykendo.org
Pour en savoir plus, retrouvez sur STRADA DICI, notre article dédié à l’exposition sur le Japon au Musée Crozatier et ses merveilles culturelles : Japon.Archipel des Arts
Posté par Strada Muse