Nature, Plantes sauvages, Au jardin
Le 19 juin 2025
La ronce une dame qui ne manque pas de piquants
De prime abord, la ronce rebute.
Perçue comme épineuse, inesthétique, envahissante, la ronce est une plante mal-aimée. Sa disgrâce est très récente, cinquante ans tout au plus, qui ont suffi pour nous faire oublier sa richesse et ses vertus. Nous allons vous réconcilier rapidement avec elle, tant elle possède de vertus au jardin, en cuisine, en pharmacie… De plus, elle a plein de bienfaits pour la biodiversité : sous son allure hostile, l’insoumise ne poursuit qu’un seul but, celui de redonner ses droits à la nature.
Ronce, qui es-tu ?
Intrépide et fougueuse, la ronce commune (Rubus fruticosus) est parfois appelée mûrier des haies, mûrier sauvage ou ronce ligneuse. C’est un arbrisseau sarmenteux, ce qui signifie que la plante fait de longues tiges, qui peuvent atteindre jusqu’à 10 mètres de long. Le fruit se développe sur les tiges semi-ligneuses la seconde année. Après fructification la tige meurt. Elle peut pousser presque partout : du littoral jusqu’à 2 500 m d’altitude et s’adapte à tous les sols.
Gite et couvert pour la faune
Le roncier permet l’établissement d’une faune locale riche. Il faudrait une quinzaine d’années pour arriver au même résultat avec une haie vive, là où le roncier n’en mettra que deux ! En effet, la faune y trouve gîte et couvert, nidifie et se reproduit à l’abri des prédateurs. Les lapins et lièvres y installent leurs terriers. Pendant ce temps, au-dessus des remparts de rameaux, les chevreuils se régalent des feuilles, et les renards, putois, blaireaux, martres ou fouines festoient de mûres pendant l’été et au début de l’automne.
Chez les oiseaux, on y trouve la pie-grièche (qui confectionne un garde-manger pour les jours de disette en épinglant ses proies sur des épines de ronces ou d’aubépines), les fauvettes, les grives, les troglodytes y fabriquent leurs nids, bien à l’abri. Les mûres sont par ailleurs vitales pour de nombreux oiseaux migrateurs : ils cherchent les mûres pour s’en nourrir durant les étapes migratoires.
Le centre des anciennes tiges est évidé par des insectes qui se nourrissent de sa moelle tendre. Elle devient un gîte pour de nombreux insectes qui y déposent leurs larves comme le font si bien les abeilles solitaires. Si l’homme place des hôtels à insectes, c’est parce qu’il ne laisse pas un roncier se développer dans la zone sauvage de son jardin. Près de 70 espèces sont dépendantes de la ronce. Les abeilles se délectent du pollen de ses fleurs et offre à de nombreux papillons la possibilité de s’y reproduire, comme le Bombyx de la ronce ou le Petit paon de nuit.
Le roncier a également l’avantage – à l’instar des haies– d’être un couloir écologique. Si précieux pour la biodiversité : de nombreux animaux peuvent migrer d’un endroit à un autre sans s’exposer.
Un roncier est probablement une des aides les plus pertinentes pour protéger la biodiversité de son jardin ou de son potager.
Berceau des futures forêts
La nature a horreur du vide. La ronce est la championne pour coloniser les espaces nus, les friches et même les tas de pierres. Car la ronce annonce le renouveau de l’espace, elle est annonciatrice de la forêt. Elle est d’ailleurs surnommée “berceau du Chêne” en Lorraine et “mère du Hêtre” en Normandie. Elle répare donc nos excès et les blessures faites par nous, les Hommes, à la Nature, elle maîtrise l’art de retapisser les sols dénudés ou en transition entre plaine et forêt. En effet, dans l’ordre du monde naturel, la prairie est une balafre, une cicatrice, dans un endroit qui devrait être peuplé d’arbres.
Dotée d’une hormone de croissance et d’un mode de reproduction asexuée (multiplication végétative) extrêmement efficaces, elle se développe à la vitesse grand V (jusqu’à plusieurs centimètres par jour) ! Ses sarments s’étendent dans toutes les directions et s’entremêlent si bien qu’ils forment rapidement des bosquets épineux, les fameux mûriers sauvages. Une graine de ronce va donner un enchevêtrement de 15 m2 en quatre ans !
On en a besoin !
Le monde végétal a besoin de la ronce pour vivre. Son système racinaire structure et aère la terre, la nourrit avec la décomposition de son feuillage semi-persistant et y fixe l’azote atmosphérique. Le sol retrouve des caractères biologiques qu’il a perdus. C’est donc de l’humus avec un sol plein de vie qui se crée. Ainsi, sous l’armure protectrice de la ronce, les graines des petits arbres (chêne, hêtre, bouleau…) vont pouvoir éclore facilement. Le roncier protège ensuite les jeunes arbres des sécheresses, du vent, de l’érosion, des parasites et des premières gelées. La ronce a également la vertu de protéger les jeunes pousses des gros mammifères, comme les sangliers et les chevreuils.
Il est indéniable que, si l’homme n’intervient pas, la ronce est annonciatrice de la reconquête de la forêt et donc de la Nature. Et lorsque la nature n’a plus besoin de la ronce, lorsque l’arbre lui fait de l’ombre, alors la belle finit par s’éclipser naturellement. Le tapis d’aiguillons laisse place à des arbres victorieux.
Laissez pousser un roncier et vous découvrirez dans quelques années qu’il protégeait un nouvel arbre.
Dompter le roncier
S’il est important de garder les ronciers, il est néanmoins nécessaire, dans un jardin, de les dompter. Dans cette idée, il faut couper les stolons à l’automne. C’est-à-dire les tiges qui, lorsqu’elles touchent le sol, s’enracinent et produisent un nouveau pied. Si on coupe les bords du roncier pour détruire ce qui dépasse, on empêche sa progression. Et en même temps, on augmente sa production en fruits.
Un régal pour l’homme
Des feuilles aux mûres (ou mûrons), en passant par les bourgeons et les jeunes pousses (ou turions), tout se mange.
Les jeunes feuilles des bourgeons terminaux à peine éclos associés à d’autres légumes ravissent l’amateur de potages. Les fleurs, débarrassées du pédoncule piquant, sont comestibles et peuvent décorer les plats. Les jeunes tiges printanières, dès qu’elles sont pelées et cuites à la vapeur, sont un met de choix.
A la fin de l’été et au début de l’automne, la récolte de fruits peut être abondante pour réaliser de bonnes gelées, confitures, pâte de fruit, tartes, sorbets, sirop, vin, vinaigres, … Les mûres, sont riches en micronutriments, en fibres, en antioxydants, en oligo-éléments, en vitamines A, B, C et E, en magnésium, en fer…
Remède de Grand-Mère
La ronce a aussi beaucoup d’atouts pour soigner les maux des hommes et des animaux.
Feuilles et jeunes pousses sont réputées astringentes, toniques, antivirale, diurétiques et dépuratives. Les feuilles sont traditionnellement utilisées pour guérir les angines, les inflammations digestives et les gingivites. En gargarisme les bourgeons luttent contre les inflammations buccales et sur le système respiratoire, dont l’angine. Et si les épines de la ronce vous griffent jusqu’au sang, il suffit de frotter la feuille d’une ronce sur la blessure pour refermer la plaie ! La ronce vous griffe pour se défendre et vous donne le médicament pour vous soigner.
Une plante aux milles usages pour l’homme
Usage en agriculture paysanne
Les ronciers peuvent aussi constituer d’efficaces barrières naturelles en limite de propriété. Dans les temps passés, la ronce a servi de barrière pour défendre le village. Depuis toujours, elle entoure les prairies à bestiaux. On obtient une barrière que peu de chiens errants ou de troupeaux – et a fortiori d’humains ! – oseront franchir. Le bétail peut également être friand des jeunes pousses et limitera l’extension de la ronce.
Elle est également efficace pour les cultures qu’elle borde. Comme toute haie, elle leur apporte de l’ombre et cette végétation dense proche du sol est aussi très efficace comme coupe-vent. Son enchevêtrement de branches et de feuillage semi-permanent attire pollinisateurs, mammifères et oiseaux, qui jouent un rôle d’auxiliaires pour les plantes maraîchères et les fruitiers. Certains maraîchers qui pratiquent l’agro-écologie ont fait de cette mal-aimée leur alliée.
Tisser des liens
La ronce travaillée devient un lien souple d’une grande robustesse et… durable. Pour ce faire, il faut bien évidemment éliminer les épines de la tige. La ronce sert ainsi de lien pour attacher la vigne ou les pieds de tomates, pour les paillassous, les toitures en paille ou en chaume, les boudins de paille de seigle pour confectionner des ruches et autres objets de vannerie.
Là où la ronce existe, elle a été utilisée depuis des millénaires pour créer de très nombreux objets. Le bois de ronce a même été utilisé pour faire des meubles.
Mille et une nuances de gris
La ronce est également une plante tinctoriale. Ce sont les feuilles et les tiges qui servent pour la couleur grise, elle va donner toutes les nuances du gris clair au gris foncé. Cette utilisation est également très ancienne.
Ce sont les ronces du printemps qui sont à récolter. C’est à ce moment-là qu’elles contiennent le plus de tanins (de 5 à 14 %). Associée à du sulfate de fer (mordançage), elle va donner un gris plus foncé. Ces couleurs sont très résistantes à la lumière et au lavage.
Les mûres donnent du violet. Cette couleur n’est cependant pas stable et risque de devenir bleue et s’estomper dès le premier lavage.
Toutefois, on vous le déconseille dans les jardins aux tailles plus modestes, la dame se montre vite envahissante !
Posté par Marine SCHMITT