Adapter la rénovation au type de construction
L’avènement du béton au début du XXe siècle a profondément changé la typologie de nos habitations. Notre usage du logement a également beaucoup évolué au-delà de sa fonction première, à savoir une barrière entre un extérieur hostile et un intérieur protecteur. Depuis, tout se construit plus vite, avec plus de confort et d’espace mais peut-être moins de durabilité. Quoi qu’il en soit, lorsqu’on se lance dans une rénovation énergétique, on différenciera bien le bâti moderne (1914-2005) du bâti ancien (avant 1914). Les logements très récents seront encore à traiter différemment.
Mettre 12 cm de laine de verre sur un mur parce que la loi dit qu’il faut un « R » (résistance thermique) de 3,75 m2.K/W, c’est prendre un raccourci qui peut engendrer des problèmes, par exemple en créant des points de condensation.
Voici quelques pistes pour rénover intelligemment votre habitat en fonction de sa date de construction.
Le bâti moderne (1914-2005)
Le bâti moderne est généralement construit en parpaings ou béton, moins sensibles à l’eau que les constructions plus anciennes composées d’appareillages de pierres hourdés de terre*.
En isolation, le bati moderne accepte techniquement presque n’importe quel produit, minéral, végétal ou animal.
Cependant, on obtiendra un confort supplémentaire en utilisant des matériaux denses comme la laine de bois, performants en déphasage thermique, et donc limitant les surchauffes estivales, surtout en toiture.
D’une manière générale, l’usage de matériaux biosourcés – bois, liège, paille, chanvre, ouate de cellulose, textile recyclé, laine de mouton… – est aussi justifié par son plus faible impact environnemental lors de sa fabrication et pendant sa durée de vie.
Lorsque le logement a été bien construit, l’étanchéité à l’air est bonne. Dans les années 70-80, on faisait un gobetis intérieur à la chaux parfois. Mais cette bonne pratique s’est perdue pour aller au plus vite et au moins cher, avec l’usage de membranes pare-vapeur peu efficace si elles sont mal mises en œuvre, ou encore de produits industriels quelques fois chargés en COV (Composés Organiques Volatiles).
La ventilation, quant à elle, est souvent mal traitée dans les bâtis modernes. Un balayage (entrée d’air dans les pièces sèches et extraction dans les pièces humides) est réglementaire (obligatoire ?) depuis 1982 mais il a rarement été mis en place. Il faudra y remédier faute de risques sanitaires. Les services publics estiment à 19 milliards par an l’impact socio-économique de la mauvaise qualité de l’air. Certains aèrent bien le matin mais le mieux est d’installer une VMC simple ou double flux.
Les bâtiments modernes ont peu d’inertie, ce qui confronte leurs habitants à des écarts importants de températures au long de la journée. C’est le cas notamment en intersaison dès qu’un rayon de soleil réchauffe l’intérieur ou bien quand votre voisin vient discuter 5 minutes à la porte d’entrée. Une rénovation est l’occasion d’y remédier avec l’apport de masse, comme par exemple l’utilisation de briques plutôt que plaques de plâtre voire même de terre crue et une dalle au sol qui stocke les calories.
Beaucoup de maisons plus récentes ont d’ailleurs le même problème de manque d’inertie à cause d’une conception bioclimatique pas encore aboutie.
* Appareillage de pierres hourdées de terre : C’est le type de mur en pierres du bati ancien. L’espace entre les pierres taillées extérieures et intérieures est comblé avec les déchets de taille de pierres et la terre locale argileuse, prise sous la couche de terre végétale.
La pierre est très conductrice de chaleur et étanche. La terre fait l’isolation, même faible, et la capillarité des parois.
Le bâti ancien (avant 1914)
Construit en pierres locales, il représente 20 % du bâti altiligérien (INSEE 2016). Le bâti ancien a des performances intrinsèques intéressantes (durabilité, inertie, isolation). Il aura fallu attendre la réglementation de 2005 pour revenir à ce niveau de qualité thermique dans le moderne.
Le bâti ancien n’accepte pas toutes les solutions de rénovation car il est plus sensible à l’humidité que les constructions récentes.
Le tout premier point est donc de supprimer la présence d’eau dans les murs en drainant les abords, en dévoyant une source et en réparant la toiture si besoin.
Ensuite, le transfert de vapeur d’eau dans les parois doit être géré en l’orientant vers l’extérieur en hiver et vers l’intérieur en été, ce qui écarte les enduits ciments et les isolants étanches de type polyuréthane ou polystyrène… Combien de maisons en pierre ont pourtant été recouvertes ou rejointées au ciment ?
On assurera également la continuité de la capillarité, c’est-à-dire qu’on guidera l’humidité vers sa surface de séchage, en mettant en œuvre des matériaux adaptés, surtout sans vide ni lame d’air. Si on ne choisit pas les bons matériaux, on risque d’avoir de la condensation dans les murs entrainant sa détérioration ainsi que celle des éléments en contact comme par exemple des poutres bois scellées dans le mur.
Pour freiner la pénétration de vapeur d’eau dans les murs, les anciens faisaient un enduit plâtre mais il n’était pas isolant. Une solution adaptée est le béton de chanvre qui isolera et corrigera en même temps les irrégularités du support. Si vous choisissez de la laine, un enduit chaux de 20 à 30 mm est conseillé afin de gérer et diriger l’eau vers les joints puis vers l’extérieur.
Attention enfin à prévoir une bonne ventilation, inexistante à l’origine dans ce type de logement que vous venez d’étancher.
Les charpentes et plancher sont à protéger des risques de concentration d’humidité amenant à la ruine. En toiture, l’erreur courante consiste à rajouter une isolation sous rampant sans laisser une lame d’air de ventilation entre la volige bois et l’isolant. N’oubliez pas non plus de poser un écran sous toiture et un pare vapeur côté intérieur.
Chaque projet est différent et il s’agit ici de quelques généralités.
S’il fallait retenir une seule chose c’est que vous devez avant tout comprendre comment votre bâti vit et ce que vous attendez de lui. Ayez un sens critique vis-à-vis des solutions courantes proposées par les industriels, documentez-vous auprès d’organismes neutres ou faites-vous accompagner a minima pour le choix des solutions adaptées en cas de doute.
Les murs contiennent de l’eau ! Dans l’ancien, il faut gérer la continuité de capillarité pour éviter la condensation.
Des études sur la rénovation du bâti ancien :
Amélioration de la performance thermique du bâti ancien, 12 enseignements à connaître.
Yohann FANGET – Ingénieur conseil en performance énergétique
Bureau d’étude COHECO – www.coheco.fr – 06 84 12 65 68
Posté par Strada Muse