Rencontres, LES UNS LES AUTRES
Le 25 mai 2023
Chloé Landriot, qui anime les Pauses poésie à la MPT de Chadrac, a reçu le 17 mars dernier le poète Cheyenne Lance Henson pour une lecture publique. L’occasion de poser quelques questions à son traducteur français, Manuel Van Thienen.
Entretien à propos de Lance Henson
Qui est Lance Henson ?
Lance henson est né en 1944. Il est Cheyenne, ‘Tsitsistas’ dans sa langue. Il est grandiose à Calumet en Oklahoma. Ceinture noire de karaté, membre de l’AIM (American Indian Movement) et de la Native American Church, l’Église du peyote*, il est parti deux fois au Vietnam parce que dans les statuts de l’Église, l’Église stipule que les membres doivent défendre le drapeau en échange de l’utilisation du peyotl dans les rituels – ce qui lui a permis d’avoir ses études universitaires payées par l’État. Cependant, il a décidé très tôt de (sur)vivre de la poésie. Il écrit en tsitsistas et en anglais, la langue de l’ennemi, qu’il utilise sans majuscule ni ponctuation. On ne compte plus le nombre de recueils publiés et les traductions de ses écrits.
Commentez l’as-tu rencontré ?
Notre première rencontre par les textes se fait en 1986 dans une anthologie »Songs from this earth on turtle’s back » publiée par Jo Bruchac aux USA. Je faisais partie de l’association »Poésie rencontres » et je préparais un numéro dédié à la poésie amérindienne contemporaine, car rien ne portait encore sur ce sujet à cette époque. Parmi les nombreux auteurs présents dans cette anthologie, la poésie de Lance me parle plus profondément. En effet, il fait partie des auteurs militants qui acceptent de venir en Europe pour parler de leurs luttes anticoloniales. Nous échangeons des courriers (sur papier à l’époque) et je le rencontre physiquement en 1990. Il était invité au festival international de poésie de Tarascon avec Jo Bruchac et Linda Hogan. Suite à la parution d’ un numéro de la revue belge »L’arbre à paroles » consacré à la poésie amérindienne contemporaine dont j’étais le traducteur.
Quels sont les idées, les combats que porte Lance Henson ?
Il est un »headman » de sa tribu avec pour mission de faire connaître le peuple Tsitsistas. Militant de l’AIM, il est correspondant européen.
J’ai lu qu’il participait chaque année à la danse du Soleil ?
Quel est le sens de cette cérémonie ? Depuis quelques années, vu son âge, il n’y participe plus directement. Mais il en a été un participant actif pendant plus de trente ans. Le sens de la cérémonie serait trop long à faire comprendre. Disons simplement qu’il s’agit de mettre en mouvement en annuellement la voie lactée qui est la grande roue qui anime l’univers dont il faut »graisser l’axe » pour que le monde continue…
Nous appartenons
à la terre,
elle ne nous
appartient pas.
Quelle est la place de la nature dans la poésie de Lance Henson ?
La nature et l’humanité sont indissociables. Nous faisons partie d’un tout, ni au-dessus ni en-dessous mais avec. Effectivement, nous appartenons à la terre, elle ne nous appartient pas.
Quelles sont les qualités que vous appréciez dans son écriture ?
L’ écriture de Lance tord la langue anglaise, la langue de l’ennemi : pas de majuscule ni de ponctuation. Elle est image, créatrice d’images. Elle ouverte sur la souffrance du monde sous le joug de l’Occident colonisateur. L’économie de moyens laisse ouvert l’espace où le lecteur peut trouver sa place, construire ce qui manque, ce qui a été volé, par l’envahisseur. Lance Henson parle de la solitude du combat et de la force donnée par l’appartenance à une culture liée aux éléments naturels. De construire ce qui manque, ce qui a été volé, détruit par l’envahisseur. Il parle de la solitude du combat et de la force donnée par l’appartenance à une culture liée aux éléments naturels. construire ce qui manque, ce qui a été volé, détruit par l’envahisseur. Lance Henson parle de la solitude du combat et de la force donnée par l’appartenance à une culture liée aux éléments naturels.
Où est la promesse qui emplit
autrefois cette terre
j’ai déjà posé cette question
et depuis
j’ai appris à vivre
seul en colère
et caché
aux frontières de l’Amérique.
Lance Henson
En tant que traducteur, comment vois-tu ton travail quand tu traduis des poètes amérindiens ?
Traduire fait partie intégrante du travail du poète. Faire découvrir d’autres poètes, en lutte contre la puissance destructrice du monde économique, faire découvrir d’autres manières d’être au monde. Les poètes devraient mieux lire les poètes. Cela dit je lis beaucoup. Mes »frères en poésie » m’envoient des textes écrits par eux où d’autres : Māori, territoires Polynésien, Mélanésien, Europe, Amériques… partout où les peuples luttent pour leur existence, des poètes se lèvent et accompagnent les combats politiques, sociaux, économiques contre la dévastation du monde. D’ailleurs je fais mon job de poète en les faisant entendre.
Posté par Strada Muse