Le 30 juin 2025
Suspendu
Celui qui entre dans le café Nube – nuage en italien – a la possibilité de prendre un café sospeso : un café suspendu, c’est-à-dire un café offert à celui qui n’a pas les moyens de payer. Jacques Madelin, un français débarqué à Naples après une rupture amoureuse et ami de Mauricio le patron du troquet, y a établi ses quartiers. Caricaturiste et écrivain, il y attend la fin de journée avant de rejoindre la fameuse piazza Del Plebiscito en quête de portraits de touristes à croquer. Du fond du café Nube, il voit défiler des personnages liés par le fil ténu du café suspendu. Il y observe et retranscrit dans un carnet ces tranches de vies tissées autour du comptoir qu’il nous livre à travers sept histoires qui se croisent et s’entremêlent.
Vous y rencontrerez une femme trompée qui s’accorde avec la maîtresse de son mari pour que celui-ci revienne à elle, un médecin chinois qui cohabite avec un panda imaginaire pour tromper son mal du pays, une mythomane faisant gober avec un aplomb magistral les boniments les plus farfelus, une jeune fille qui ne sait comment se libérer du foulard envoûté légué par sa grand-mère, et bien d’autres portraits tous plus hauts en couleur les uns que les autres. Il est fort probable que vous y croisiez même Elena Ferrante, la célèbre romancière sans visage de L’amie prodigieuse.
Amanda Sthers nous offre un merveilleux pêle-mêle d’histoires entrelacées avec finesse, humour et poésie. Au-delà du récit, ce livre s’avère être bien plus qu’un roman : c’est un guide touristique qui nous plonge dans le dédale des rues et quartiers d’une ville envoûtante ; c’est un livre d’Histoire qui rappelle notamment le terrible tremblement de terre d’Irpinia dans les années 80 ; c’est un florilège de contes et légendes et des superstitions napolitaines tellement nombreuses qu’il n’est plus possible de les compter ; c’est une pièce de théâtre de la Commedia Dell’Arte avec ses personnages loufoques et farfelus censés représenter l’humanité tout entière ; c’est un précis de cuisine où l’évocation des Cornetti et des Sfogliatelle vous met l’eau à la bouche.
Et si vous parcourez cette chronique c’est que vous êtes en train de lire Strada. Un magazine auquel vous êtes peut-être abonné mais qui est la plupart du temps gratuit. Un don que beaucoup d’Altiligériens et au- delà apprécient et attendent au fil des saisons. Il me vient alors l’idée, qu’à l’image du roman d’Amanda Sthers, vous tenez entre vos mains un Strada suspendu.
Pour la médiathèque de Saint-Vincent, Nelly Arnold
Posté par Nelly Arnold