Val se livre, LES UNS LES AUTRES
Le 17 mars 2011
Je suis toujours surprise quand une jeune fille m’appelle ma tante et me salue avec déférence par une légère révérence. Pourtant « Tonton Marcel, le vieux, Pa Jo, ma tante »… sont des expressions courantes dans la rue ou au travail, pour désigner les personnes plus âgées.
N’y voyez rien de péjoratif, bien au contraire, c’est un signe de respect !
Pour lire la suite de l’article, cliquer sur les points suivants
Dès leur plus jeune âge, on apprend aux enfants à appeler de cette manière les adultes. Ainsi, ils les respecteront comme s’ils étaient leurs propres parents. C’est même un honneur de donner le prénom de son grand-père aimé à son dernier-né voire même les prénoms Magatte (vieille en sérère) ou Mame Gor (grand-père en wolof).
A mon arrivée, je n’imaginais pas rencontrer des centenaires. Pourtant, homme ou femme, ils ont un rôle très important au sein de la famille, de la concession1 et du village.
L’ancien de la famille est appelé le patriarche. C’est celui qui a réussi sa vie. Eclairé par son expérience il conseille les plus jeunes avec sagesse. Garant de la tradition, il leur transmet le savoir-vivre selon l’appartenance clanique, religieuse, ethnique… Nombreux sont les grands-parents qui élèvent au village leurs petits-enfants. Les enfants se bagarrent presque pour râper la noix de cola jaune et amère à la vieille assise à l’ombre sur le perron de la maison.
Les réussites de l’enfant sont les fruits du clan 2 .
Il n’est pas rare lors des dédicaces d’entendre l’auteur remercier avec effusion ses parents et toute sa famille élargie. Les sacrifices des parents une vie durant pour le succès de leurs enfants sont une forme d’investissement sur l’avenir. Ici la retraite avec reversement d’une pension est un système minoritaire.
Si la famille manque de moyens, elle ne peut décemment prendre en charge ses anciens qui sont parfois mal nourris, mal soignés… tandis que les maladies chroniques (diabète, cholestérol…) demandent des soins réguliers et coûteux.
Les sénégalais sont souvent choqués par le manque de considération que nous témoignons à nos aînés : canicule meurtrière de 2003, maltraitance, indifférence, abandon dans des maisons de retraite, chômage des quinquagénaires…
Comme le dit Sidi : « Je ne me moque jamais d’un ancien. Je le respecte parce que je voudrais qu’on en fasse autant avec moi quand je serai vieux. » N’oublions pas que chacun de nous est l’aîné de quelqu’un !
1 Concession : terrain à usage d’habitation souvent rectangulaire bordé par des chambres, au centre duquel se trouve la cour où se passe les activités communes de la famille à l’ombre de l’arbre : préparation du repas, cuisine, cour de récréation, cours de religion, révision des leçons, pause thé au retour du travail, buanderie, …
2 Clan : Famille au sens très élastique : du fils de la 3ème femme de mon oncle paternel à la jeune fille élevée par la soeur (même père, pas même mère) de ma mère. D’où la réponse quasi-systématique à -« Qui c’est lui par rapport à toi ? » : – mon cousin !
Posté par Marie Laure DELAY